Dans nos précédents appels, Julia a mentionné le travail qu'a lancé David sur les Interactions humaines saines utiles et long terme. C'est une démarche et une exploration proche de la nôtre, alors on croise les regards. Pour lui, ça a commencé par un travail de définition.
David rappelle que c'est un travail en cours, qu'il n'est pas 100% sûr des motivations ni de savoir où ça va, mais qu'il a déjà trouvé des applications pratiques.
Y a-t-il un objectif à cet appel ?
Julia et moi répondons avec cette question de David en précisant que jusqu'à présent, on a laissé les discussions nous mener, sans structure ni objectif particulier. Qu'on tire les fils qui nous intéressent au fur et à mesure, et qu'on est encore dans une phase exploratoire.
La vie nait du chaos.
Le travail de David est parti de deux volontés :
- Celle de la moindre souffrance (on vit dans un monde violent, la souffrance, tant qu'on peut l'éviter, autant le faire)
- L'envie de ne pas perdre de temps (une seule vie, tout ça)
L'idée de cette exploration était de cartographier les atomes des relations humaines et d'en tirer des sortes de principes.
Il a tenté de définir : les attentes / le consentement / l'honnêteté / la bienveillance...
Il s'est ensuite demandé : "Qu'est-ce qui génère de la souffrance ?"
• on vit dans un monde violent
• la violence physique
• les interactions violentes
On va se concentrer sur cette notion, qui se rapproche de plus de nos intérêts.
David parle de la nécessité de se connaître, et de faire des choix :
- je change si la situation ne me convient pas
- je reste, en connaissance de cause. Je sais ce que la situation m'apporte, même si certains de ses aspects me font souffrir.
Notes Noémie : J'ajoute qu'on a déjà abordé cette question, celle de la connaissance de soi, lorsque Julia m'a demandé lors de notre tout premier appel quelle était mon intention pour nos échanges.
J'ai la sensation qu'on invite assez peu à aller regarder en soi, connaître ses motivations, ses intentions, ses limites... Je trouve que c'est une piste intéressante pour une première composante d'interactions safe. Le rapport à soi, la connaissance de soi.
David évoque ensuite la notion de consentement : c'est une proposition, avec des conditions.
On connait l'expression du consentement "libre et éclairé" : ça implique, autant que possible, de donner toutes les informations nécessaires à la prise de décision de son interlocuteur.
Ça implique aussi le laisser à l'autre le temps de prendre sa décision.
Notes Noémie :
• En bon avocat du diable, je lance un truc qui m'est familier en micro-aggression, l'ordre-déguisé-en-proposition. Par exemple : "Tu voudrais pas faire la vaisselle ?" - ça m'intéresserait de décrypter les mécanismes de ce genre de phrases.
• Je glisse qu'on parle beaucoup de "consentement utilisateur" dans le cadre de l'entrée en application proche du texte de l'Union européenne appelée le RGPD (Règlement général sur la protection des données).
Il vise à protéger les données personnelles des utilisateurs de services informatiques. D'où l'avalanche de newsletters récentes qui font évoluer les "Conditions d'utilisation" d'un service.
On conteste d'ailleurs beaucoup les formats (volontairement indigestes et) incompréhensibles de ces contrats d'utilisation, où l'utilisateur n'est pas assez informé sur ce à quoi il consent.
Comment faciliter cette compréhension ? Vaste débat. En ressource, j'adore le Data Permissions Catalogue de IF qui liste les méthodes de consentement au partage de données). Ça m'intéresse, en petit rhizome supplémentaire, de poursuivre la discussion sur ce sujet en particulier, et de dessiner / cartographier des méthodes.
On rejoint la question du rythme (fil rouge de nos discussions) en évoquant des violences classiques du consentement.
On parle d'écologie / la qualité de l'attention et à quel point l'écoute active peut se pratiquer mais pas en permanence, car elle demande beaucoup d'énergie.
On aborde le droit à l'erreur, qui participe à un cadre safe. Toutes ces techniques sont comme des muscles, il faut les pratiquer et apprendre progressivement, puis ça finit par s'intégrer.
On peut se demander ce qu'on peut mettre en place la prochaine fois pour que ça ne se reproduise pas.
Tout ça est en lié avec le fait d'être connecté à ses besoins.
On peut passer du temps à reconnaître ce qui nous active ('triggers' en anglais - déclencheur), et également apprendre à reconnaître nos mécanismes de défense.
On peut prendre le temps de s'examiner seul ou demander de l'aide aux autres : "je me rends compte que je fais ça, etc...".
On bifurque ensuite sur la notion d'attente et du fait de les gérer, de les communiquer.
On se forge un modèle du monde par rapport à notre expérience et nos connaissances, et nos attentes sont plus ou moins explicites et verbalisées.
David découpe ça en deux catégories :
- les attentes légitimes (on s'est mis d'accord sur quelque chose)
- les attentes illégitimes (non-verbal, l'accord n'a pas explicitement été donné)
David nous dit que ces outils étaient destinés à améliorer sa compréhension, lui donner du vocabulaire et changer sa manière de penser.
"Pourquoi tu souffres ?"
• Est-ce que je te l'avais dit ?
• Est-ce que je t'avais laissé penser que ?
Il parle d'examiner ses attentes et de mettre en œeuvre ce qu'on choisit de faire.
- Choisir d'arrêter l'interaction
- Dire non, poser des limites, expliquer pourquoi.
On parle de la dérive des bonnes intentions, comme dit le diction populaire :
L'enfer est pavé de bonnes intentions.
David met une barrière lorsqu'une personne ne reconnait pas ses erreurs et ne cherche pas à s'améliorer. Ça veut dire que la personne se moque de faire souffrir l'autre/les autres.
David :
Je fais de moins en moins confiance à la communication seule. Il faut qu'il y ait une cohérence avec les actions."
Noémie : C'est marrant j'ai la sensation que je passe moins de temps à m'interroger sur mes actions. Je prends souvent le temps de réfléchir aux mots et aux manières de communiquer, mais je remets moins en question mes actions. Ça fait partie des choses auxquelles on nous invite peu à réfléchir, je trouve, j'ai la sensation de ne l'entendre que rarement.
On voit souvent la dissonance entre les valeurs "affichées" et le déroulé dans la vie réelle, comment traduire ses valeurs en actions qui les reflètent ? C'est au cœur de la construction d'espaces ou d'évènements safe.
Les CoC sont un cadre. Et pour le traduire dans le réel, il faut que les équipes organisatrices des évènements se mettent au clair sur le contenu et les actions à mettre en place pour le refléter. La posture de l'équipe est importante.
Qu'est-ce que garantit le Code of Conduct ? Qui protège-t-il en tout premier ?
Et pour contrer le reproche qui est souvent fait au Code of Conduct (un document sur un site, que pas grand monde ne lit...), comment en distiller le message pour le faire comprendre au mieux et au plus grand nombre ?
Noémie : Je suis tombée récemment (et je crois pour la première fois) sur un formulaire d'inscription à un évènement hyper inclusif. C'était lancé par Lesbianswhotech. Et dans le parcours d'inscription, on accepte d'adhérer au Code of Conduct. C'est une condition sine qua non de participation.
C'est déjà vraiment bien, et beaucoup trop rare.
Mais combien de personnes vont vraiment le lire ?
Est-ce que c'est suffisant ?
Julia : Et si on faisait un atelier de co-construction de Code of Conduct pendant l'évènement ?
Noémie : Moi, je m'attends à ce qu'il soit déjà fourni par les organisateurs. Si ça se trouve ça prendrait autant de temps que l'évènement, le temps de co-écrire et de venir à bout des discussions, et pendant ce temps, quel cadre garantit l'évènement qui se déroule en parallèle de l'atelier ?
Qu'est-ce qu'on peut mettre en place pour créer des systèmes de recours/de soutien safe ?
- Communiquer le code of conduct en ouverture de conf
- Avoir toujours la possibilité d'aller voir un membre de l'équipe (voire que certains en particulier se désignent - avec un signe distinctif - comme des personnes toujours disponibles et à l'écoute).
Deux questions dans ce cas :
• il est possible qu'un•e des participant•e•s ne soit pas sûr•e de sa légitimité à relever l'incident
• comment avoir la garantie d'une écoute sans jugement et sans conseils, si on n'en a pas demandé ? - Des extraits du CoC sur les murs, sur des slides ?
- Des posters sur les portes des toilettes
- La possibilité d'envoyer un message anonyme
Unanimité sur le fait d'informer/d'équiper les participant•e•s en cas d'incident : poser des limites, dire non, demander du soutien, s'en aller, de l'écoute (pouvoir partager son ressenti en toute confiance)...
• Ravi•e•s d'avoir eu cette discussion avec David
• Ça participe à valider et ancrer des réflexions, plus facile de faire du temps pour ça quand on est à plusieurs.
• Le format peut donner une impression de flou mais on sent bien l'envol des discussions, et c'est cette liberté qui permet de faire ressortir des choses
• Ce sont des sujets complexes qui nourrissent notre envie de réflexion dessus
• Suggestion : faire un tour de météo en début d'appel.